Je vous ai déjà parlé de ces phrases qui m'ont marqué à vie. En voici une autre, qui doit bien dater d'une bonne vingtaine d'années. Alors que je regrettais auprès d'un ami que je n'avais pas d'intuition, celui-ci me répondit sèchement, d'un ton péremptoire : "Jérôme, c'est faux ! Je vous interdis de dire devant moi que vous n'avez pas d'intuition !" Ébranlé par cette sommation pleine d'amour, je ne m'y suis plus jamais risqué devant lui... mais plus devant quiconque non plus ! Car cette injonction m'avait rappelé le pouvoir de la parole humaine, comment à la fois elle exprime ce que nous portons en nous, en témoigne, condensation matérielle de notre personnalité du moment, mais aussi comment, à l'inverse, elle pouvait être utilisée pour ancrer en nous un nouveau comportement, un nouvel état d'esprit. Car que s'est-il passé pour moi suite à cette expérience ? J'ai non seulement cessé de dire à qui que ce soit que je n'avais pas d'intuition, mais j'ai surtout cessé de me le dire à moi-même ! Bien sûr, au début, il m'arrivait encore de le penser, d'avoir même encore envie de le dire, mais suite au choc de la prise de conscience, je me demandais "est-ce que c'est vrai ?", et là je devais bien reconnaître que non... Non, je pouvais me citer plein d'exemples dans ma vie personnelle qui me prouvaient que j'avais bien de l'intuition, certes pas autant que je le voulais ou en rêvais, mais j'en avais malgré tout ! Ainsi, après avoir cessé d'un coup de dire que je n'avais pas d'intuition, j'ai rapidement aussi cessé de le penser... avec en plus le résultat que ma faculté d'intuition, maintenant débloquée, libérée de l'auto-limitation que je lui imposais, a pu alors se déployer. J'ai donc plus d'intuition aujourd'hui qu'hier, et j'espère moins que demain. Et pourquoi ? Simplement parce que, à un moment, j'ai décidé d'ancrer le vouloir correspondant dans ma parole... Je vous laisse imaginer toutes les implications pratiques que ce processus peut avoir dans votre propre vie. Là je voudrais prolonger en parlant de cette si fameuse, mais aussi mystérieuse INTUITION.
Pour moi, l'intuition ne se trompe jamais, car elle est de nature spirituelle, elle émane de notre esprit qui sait et ressent toujours ce qui est le mieux pour nous, c'est la voix intérieure qui montre la voie extérieure ! Je suis toujours parti de ce postulat que je ressentais juste. La difficulté n'est donc pas de suivre son intuition, mais de la reconnaître ! C'est tout un apprentissage au début, où, comme pour tous les débuts, ce sont les débuts les plus difficiles. Il y a des intuitions claires et nettes, "qui ne s'expliquent pas" (voilà un bon premier critère de reconnaissance), comme celle qui, "sans raison", m'a fait un jour en voiture lever le pied à l'approche d'un carrefour, me permettant quelques secondes plus tard de pouvoir freiner à temps afin d'éviter une voiture s'engageant devant moi sans avoir marqué le stop ; et il y a des intuitions plus subtiles, par là même difficiles à caractériser en mots, qui vous font pourtant ressentir quelque chose avec à la fois conviction et douceur, et où c'est souvent la suite des événements qui vous fait dire "je le savais ! je le sentais !", et ce même si vous avez finalement fait le contraire de ce que vous disait cette intuition, en ayant laissé votre mental vous en faire douter !
Avec l'expérience, et surtout avec le vouloir intérieur de se mettre toujours plus à l'écoute - et au service - de son intuition, il est de plus en plus facile avec le temps de ne plus se tromper, de ne plus prendre des vessies pour des lanternes - des pensées pour des intuitions. Dans notre état de conscience actuel, c'est l'opposition entre la "petite voix" de l'esprit et la "grosse voix" de l'intellect qui me paraît la plus pertinente pour bien les différencier. Une intuition est en effet plus "légère", plus "délicate" qu'une pensée, qui est plus "lourde"... Elle se manifeste aussi dans la localisation de ces voix : la pensée, c'est vraiment bien dans la tête, plus précisément au niveau du cerveau frontal antérieur, alors que l'intuition se fait plutôt ressentir au niveau du plexus solaire voire à l'arrière du crâne (mais je dois avouer que pour ma part c'est assez diffus, je n'arrive pas à définir précisément où, à part pas dans la tête avant... donc ne vous prenez pas la tête à ce sujet, ce n'est pas indispensable pour savoir reconnaître et donc écouter son intuition). Quoi qu'il en soit, l'intuition n'est jamais le résultat d'une pression mentale, elle est toujours spontanée, jamais forcée ; elle n'est jamais produite lors d'un processus de réflexion ou d'imagination, et donc pas non plus lors d'un enflammement des sens et des sentiments, type coup de foudre, car les sentiments aussi sont un produit dérivé de l'intellect (résultat de son interaction avec les pulsions). Le plus dur est sans doute là, ne pas confondre le sentiment de l'intellect avec l'intuition de l'esprit. L'intuition apparaît toujours dans un hiatus, un "blanc" mental, à un moment où l'intellect n'oppresse et ne recouvre plus l'intuition, qui peut alors percer sous forme de flash. C'est la soudaine prémonition, le "Eureka !" des chercheurs ou l'inspiration des musiciens et des artistes ; c'est la "première impression", la "voix de la conscience" ou la "voix intérieure"... mais n'attendez pas non plus toujours des révélations, l'intuition peut être très terre à terre et pratique, amie bienveillante à notre service dans la vie quotidienne (trouver une place de parking, rappel soudain d'un rendez-vous que l'on allait oublier, connexion "télépathique" avec un être cher...), mais comme c'est à chaque fois un retour à soi au milieu du brouillard mental de nos existences, c'est toujours rafraîchissant et régénérant, un "sentiment" de reliance à soi-même.
C'est pour cela qu'au terme intuition, qui peut laisser penser uniquement à des "foudroyances" ponctuelles, je préfère le terme, plus général, de RESSENTI. Puisque c'est là le langage, le moyen d'expression de mon esprit, donc de mon être véritable, je peux ressentir à chaque instant, je peux décider de devenir un être humain de ressenti, et non plus être un être humain d'intellect (utilisant certes mon intellect dans la matière, mais comme instrument à mon service, pas comme maître). Ainsi je n'attends pas passivement des "intuitions" dans ma vie, je deviens acteur de ma vie en m'efforçant "d'intuitionner", de ressentir le plus possible - de ressentir plus que de penser. Je deviens alors non seulement de plus en plus vivant, car relié à la vie spirituelle de ma vraie nature, mais aussi de plus en plus libre, car je m'affranchis peu à peu de mes vieux conditionnements internes, tout en m'écartant également de toute inféodation à une autorité ou influence extérieure.
Cela me rappelle une fois où je m'étais retrouvé dans un groupe "d'obsédés du pendule". Ils testaient tout avec leur pendule ! Quels fruits et légumes acheter sur ce marché - plutôt que de les goûter ; quelle valeur attribuer à ce livre dans la librairie - plutôt que de le feuilleter... Le pendule était leur maître ! C'était le pendule qui décidait et choisissait pour eux. Ils avaient, pour lui, totalement renoncé à leur faculté de décision personnelle ! Au-delà des dangers intrinsèques de l'utilisation du pendule, je trouvais cela à la fois ridicule et effrayant. Je m'étais alors juré que tant pis, même si en décidant de m'en remettre uniquement à moi-même je devais faire des erreurs et ne pas connaître toutes les réponses, je préférais encore cela au fait d'être esclave d'un instrument extérieur. À supposer que les réponses du pendule soient toujours valides (ce qui reste à prouver), je préférais encore ne pas savoir par moi-même plutôt que de croire savoir par quelqu'un ou quelque chose d'autre.
Et c'est là finalement, pour moi, le plus important. En écoutant mon intuition, je prends et j'assume ma responsabilité personnelle. En suivant mon ressenti, je développe mon propre discernement et mes propres facultés. Alors seulement, en tant qu'être humain digne de ce nom, je peux espérer me tenir debout et avancer sans béquilles dans l'existence. C'est la plus grande richesse qui soit !