RESSOURCEMENT NATURE

 

 

Je suis venu à la nature sur le tard. Pas parce qu'elle me faisait peur, mais simplement parce qu'elle ne m'intéressait pas. Comme tout dominé du mental, je n'y trouvais aucun intérêt, aucun intérêt pour mon intellect. Seul comptait alors pour moi ce qui stimulait mon cerveau, ce qui m'apportait de nouvelles informations sur lesquelles je pouvais élaborer, réfléchir, sources de nouvelles idées à étudier, de nouvelles pensées avec lesquelles jouer et jouir... ou bien ce qui stimulait mon imaginaire, me faisant m'évader d'une autre façon, loin du simple et banal quotidien. Je préférais donc de loin rester chez moi, à lire ou à regarder la télévision, plutôt que de sortir et d'aller me promener dans la nature. Étant de surcroît plus attiré par les sciences physiques que par les sciences naturelles, il n'y avait vraiment rien à faire pour moi dans la nature ! C'était ennuyeux, la nature ! Pas intéressant. C'était inutile, du temps perdu !

 

Quel contraste avec aujourd'hui, où un contact quasi quotidien avec la nature est devenu indispensable pour mon équilibre, où c'est le contact même avec ce monde de l'essentialité de la nature qui m'a permis de fonder mon équilibre !

 

QUEL RAPPORT À LA NATURE ?

 

La nature est un puissant vecteur d'apaisement et de détente, tout le monde le sait et l'a vécu. Une simple promenade dans la nature, même sans attention prêtée particulière, détend déjà le corps, calme la tête et fait du bien au cœur. Mais nous aurions tort à ne considérer la nature que comme un simple décor bienfaisant durant nos activités de loisir. Elle vaut bien mieux que cela, elle peut nous apporter beaucoup plus encore !

 

La nature et moi : Quel est mon rapport actuel avec la nature ?

Quand je vais dans la nature, est-ce que j'en suis un simple consommateur – consommant son espace (randonnée, VTT, quads...), consommant ses ressources (cueillette, chasse, pêche...), la nature n'étant qu'un moyen pour atteindre un but ou une satisfaction personnelle – ou bien est-ce que je m'efforce de m'ouvrir à elle en tant que telle, pour la découvrir, la ressentir vraiment, en expérimenter la vie et l'essence ? Devenant ainsi vis-à-vis d'elle un donateur, un donn-acteur !

 

Ce n'est qu'en donnant que l'on peut recevoir ! C'est une grande Loi divine, ou si vous préférez une Loi de la Nature, dont on peut constater l'importance dans toutes les situations de la vie. Lorsque cet indispensable équilibre entre le Donner et le Recevoir n'est pas respecté, que ce soit matériellement, psychologiquement ou spirituellement, il n'en résulte que dysharmonie et dommages, qui se répercutent à tous les niveaux.

 

Or l'être humain a complètement oublié cela, aussi pour la Nature. Il ne lui donne plus, il se contente de lui prendre ou d'en jouir ! Il l'exploite sans vergogne, avec les dramatiques conséquences écologiques que l'on commence à peine à connaître. Cela n'arriverait pas s'il n'avait pas oublié, ou s'il redécouvrait, tout le fabuleux que la Nature peut lui apporter, en guise d'équilibre intérieur et de force spirituelle. S'il rétablissait un échange sain avec elle, il serait transformé ! Il retrouverait la paix et la joie intérieures. Il s'éveillerait et se réveillerait spirituellement.

 

Mais alors, c'est quoi ce Donner (ou se donner) dans la nature ? En quoi est-ce que cela consiste ? Quel doit être mon état d'esprit en me promenant dans la nature, pour m'en faire une amie prodigieuse ? Quelles ressources intérieures en moi dois-je redécouvrir et mobiliser dans mon rapport avec la nature, pour en retour me ressourcer à son contact ?

 

Souvenirs de nature : Prenez quelques instants pour vous remémorer des moments que vous avez passés dans la nature, qui vous ont apaisé, enrichi ou bouleversé...

Dans ces expériences, même si vous n'en étiez pas conscient/e sur le moment, qu'est-ce qui vous a touché/e ? Quel élément de la nature a trouvé un écho en vous ? De quelle façon a-t-il résonné en vous ? Et quelle partie de vous a-t-il fait vibrer ?

Comment pourriez-vous, à l'occasion d'une prochaine balade nature, reproduire cette expérience consciemment ?

 

Il est peu probable que lors de ces expériences ce soit votre mental, votre intellect, qui a été nourri. Cela a touché une autre dimension de votre être, plus profonde, plus intime. C'est en votre for intérieur que vous êtes alors entré.e en résonance avec la nature !

 

Pouvez-vous alors voir, ou commencer à ressentir, en quoi consiste ce mouvement de Donner actif, qui a alors nécessairement eu lieu en vous ?

 

Ce Donner est Ouverture. Ce Donner est Accueil. Ce Donner est Présence !

Le ressentez-vous ?

 

Oui c'est un Donner, car il nécessite une « conscience consciente », un silence du mental. C'est un mouvement, un vouloir intérieur d'ouverture et de réceptivité à la fois (l'ouverture créant la réceptivité, puis la réceptivité favorisant l'ouverture, en un cercle vertueux). Un élan du cœur ! Et ce Donner est actif parce qu'il est vivant (contrairement au donner du mental).

 

Si vous saisissez la nature de cette vibration intérieure particulière et commencez à la nourrir consciemment, cela va transformer non seulement votre rapport à LA nature, mais aussi à VOTRE nature. Car les deux sont liés ! Ce n'est pas pour rien que c'est le même mot ! En vous reconnectant à LA nature, vous vous reconnectez à VOTRE nature ! Tel est le merveilleux cadeau que la nature peut vous offrir si vous vous ouvrez et vous donnez à elle.

 

DE LA NATURE À NOTRE NATURE

 

C'est bien simple, et en fait c'est une évidence : La NATURE nous apprend l'état NATUREL ! Donc la nature extérieure peut nous ramener à notre nature intérieure ! En réalité, elle le fait naturellement, auto-activement, si nous l'abordons avec cette ouverture active dont j'ai parlé plus haut.

 

Loin de la frénésie du monde actuel, la nature constitue un « maître étalon » de la saine vie intérieure. Elle nous montre notre « état zéro » (zéro agitation mentale) et nous ramène à la QUIÉTUDE, qui est notre bien naturel le plus précieux. J'aime beaucoup ce mot de quiétude, qui désigne la tranquillité profonde, la paix de l'âme, sûrement aussi parce que dans quiétude on entend qui-es-tu ; c'est dans la quiétude que je retrouve qui je suis et que je m'y repose. Il est tristement symptomatique que l'on n'utilise plus beaucoup aujourd'hui ce mot, bien moins que son antonyme, l'in-quiétude...

 

Les sens aux aguets : Rendez-vous dans la nature. De préférence à la campagne ou en forêt, à défaut dans un parc. Puis ouvrez grand vos sens, ouvrez grand votre être !

Soyez tendrement présent.e et attentif.ve à votre environnement, sans crispation nerveuse. Une douce observation, sans recherche de « pleine conscience ». Une attention consciente, mais légère, multidimensionnelle, non projective...

Donnez-vous simplement dans l'ouverture, pas dans la volonté de saisir ; laissez librement les choses venir à votre conscience, ne pré-décidez pas, vous, de ce sur quoi votre attention va porter.

Laissez-vous écouter... regarder... sentir... toucher...

Laissez-vous toucher directement par la réalité, et non à travers un filtre mental de visualisation ou d'imagination. Le vivant réel, là, uniquement ! Il y a déjà tant à en voir !

Assis.e ou en marchant tranquillement, laissez-vous ainsi imprégner par l'ambiance de la nature. Ne cherchez pas à nommer, penser ou analyser ce qui se manifeste à vous, soyez juste avec. Ce n'est pas pour une étude, c'est pour une complétude !

Pouvez-vous maintenant ressentir plus de calme en vous ? Pouvez-vous goûter cette quiétude qui s'installe, comme infusée petit à petit dans votre être par la nature ?

 

Même avant de le faire en situation, la lecture de cet exercice vous a sûrement déjà remémoré de nombreux souvenirs agréables dans la nature. Vous vous sentiez bien, vous rentriez chez vous heureux.se et détendu.e..., puis vous oubliiez, repris.e par l'inquiétude de la vie quotidienne. Attendant alors avec impatience la prochaine sortie nature pour pouvoir retrouver cette quiétude...

 

Mais c'est une erreur de croire cela ! Pourquoi devrais-je perdre cette quiétude en quittant la nature ? Sans réfléchir, je crois donc que c'est la nature qui a créé en moi la quiétude... mais non, elle n'a fait que la révéler ! Je porte toujours en moi la quiétude, la quiétude est mon état naturel ! Elle est seulement recouverte, obscurcie la plupart du temps par le brouillard du mental, mais elle est toujours là ! Quand je suis dans la nature, LA nature entre en résonance avec MA nature et la fait juste vibrer plus fort, ce par quoi je me focalise moins sur ce qui l'assombrit, ce qui favorise un désencombrement intérieur, un dégagement des pensées (d'autant plus important bien sûr que j'aurai mis de ma conscience dans ce processus).

 

Comment alors s'ancrer dans cette quiétude naturelle ?

Eh bien, par ces ancrages que la nature nous enseigne si on sait l'écouter !

 

Ce que j'appelle ancrage est une attention et présence consciente à un support particulier (extérieur ou intérieur), permettant de revenir à soi, de se fixer en soi, afin de ne plus être ballotté dans tous les sens, emporté par ses pensées ou ses émotions. Les ancrages sont naturels (donc réels, pas mentaux ni imaginaires) et c'est là ce qui fait leur force. Non seulement la nature nous les apprend, mais elle nous aide ensuite à les vivre en nous ! Sans le savoir, vous en avez déjà approché et expérimenté quelques-uns par les exercices précédents. Conscientisons-les davantage maintenant :

 

Trouver ses propres ancrages : Posez-vous en pleine nature, dans un endroit que vous aimez, ou au moins à l'air libre avec quelques éléments naturels (votre jardin par exemple).

Accordez-vous plusieurs minutes (dix minutes par exemple) à juste être là, à l'écoute, dans une attention active mais détendue, laissant librement votre attention se porter ou être attirée par tel ou tel élément naturel. Pas de concentration, juste une ouverture intérieure...

Puis demandez-vous : Qu'est-ce qui vous plaît, vous fascine ou vous donne de la force dans la nature ? Avec quoi vous sentez-vous le plus résonner ?

Est-ce que c'est d'ordre auditif (les chants d'oiseaux, le bruissement du vent, le silence...), d'ordre visuel (la lumière naturelle, les couleurs éclatantes de la nature, la beauté...), d'ordre olfactif (les odeurs) ou kinesthésique (le senti corporel) ?

Est-ce d'un autre ordre ? Peut-être vibrez-vous avec l'air, l'espace ou le mouvement...

Quoi que ce soit, retenez-le, ce sera votre ancrage préférentiel, en tout cas à ce moment-là (il peut bien sûr changer ou évoluer avec le temps).

Vibrez quelques minutes en conscience avec cet ancrage. Cela vous permettra de vous reconnecter à lui plus rapidement à l'avenir, puis instantanément. Que vous apporte-t-il intérieurement : de l'équilibre, de la force, de la joie, de la paix... ? Ressentez comment et en quoi il vous ancre, imprégnez-vous-en, vibrez à son unisson !

 

La majorité des ancrages qui se révèlent par cet exercice sont des ancrages extérieurs, mais cela pourrait aussi être une émotion particulière, précise ou indéfinissable. Si vous ressentez directement une profonde joie, vibrez avec elle ! Si vous sentez des larmes monter, laissez-les couler ! Quoi qu'il advienne, accueillez-le avec bienveillance. Il est important de comprendre que, du fait du lien naturel entre la nature et votre nature, la nature est un MIROIR de votre nature ! Donc un révélateur de votre vie intérieure ! Et cela, c'est toujours à prendre de façon positive. Si quelqu'un ressent de la peur en allant dans la nature, c'est qu'il a à travailler en lui sur cette émotion ; la nature extérieure ne fait que refléter la peur qu'il porte déjà à l'intérieur de lui... Si quelqu'un ressent particulièrement le côté sauvage de la nature, c'est qu'il doit soit plus vibrer avec son sauvage intérieur, soit (s'il le dérange) apprendre à l'apprivoiser... La nature peut ainsi constituer un très riche support dans une démarche thérapeutique ou d'évolution intérieure. De même, pour tous ceux qui ont tendance à se dévaloriser, vous ne pourriez pas voir et ressentir la beauté de la nature si vous n'étiez pas vous-mêmes déjà beaux intérieurement ! Cet « effet miroir », cette fonction de réciprocité, est aussi une grande Loi de la Nature, qui s'applique en tout et partout... Mettons-là encore plus à profit maintenant !

 

RECONNEXION INTÉRIEURE

 

Bon, vous avez découvert un ancrage extérieur dans la nature, qui vous permet d'y trouver apaisement et ressourcement..., mais vous me direz « Je ne vis pas dans la nature ! Cela me fait une belle jambe quand je rentre chez moi, en ville ou au travail ! ». Détrompez-vous ! Il vous suffit de l'emmener avec vous !

 

Il vous suffit de savoir qu'il est toujours possible, à partir d'un ancrage extérieur, de trouver, créer une correspondance avec un ancrage intérieur. De par l'effet de réciprocité déjà évoqué. Il suffisait d'y penser, mais cela change tout ! Je me retrouve alors avec un outil personnel qui est disponible à chaque instant pour moi, et que je peux utiliser constamment comme « rappel à moi », pour retrouver partout la même assise intérieure que dans la nature.

 

En ce qui me concerne, ce qui me fascinait le plus au début dans la nature, c'était son calme sonore. Cela me faisait tellement de bien, à moi qui était constamment oppressé par la rumination mentale ! J'avais donc pris comme ancrage extérieur le silence. Dès que j'étais dans la nature, je portais mon attention sur le silence extérieur, ce qui, par résonance immédiate, faisait taire mon mental. Oh, je connaissais déjà cet exercice de méditation depuis longtemps, mais le fait de le faire dans la nature changeait tout ! C'était tellement plus facile dans la nature ! Facile à faire, facile à vivre. Comme si la nature elle-même m'aidait, dans l'énergie qu'elle diffuse et apporte constamment naturellement. C'était vraiment étonnant ! Cela s'ancrait plus profondément en moi, cela me transformait plus rapidement ! Il y a vraiment dans la nature une potentialisation mystérieuse et quasi magique quand on s'y ouvre... Mais comme je l'ai développé dans mon texte « Du silence à mon silence », si je sais écouter le silence à l'extérieur, je sais aussi écouter le silence à l'intérieur ! C'est la même chose ! J'avais donc aussi trouvé mon ancrage intérieur, ce qui m'a permis petit à petit de développer le Silence en moi, le retour régulier au silence de la nature me permettant de faire des piqûres de rappel toujours plus ancrantes...

 

Un ancrage extérieur suffit déjà à apporter plus d'équilibre, mais il devient en général insuffisant à un moment, car conditionné par nature à un élément extérieur à l'être. Or nous voulons devenir spirituellement indépendants, forts en nous-même, n'est-ce pas ? Cela exige d'être en mouvement spirituel intérieur (qui n'a rien à voir avec le mouvement intellectuel), donc évidemment et nécessairement d'être ancré en soi-même. C'est pourquoi l'ancrage extérieur appelle souvent lui-même l'ancrage intérieur, lorsque la fréquentation de la nature est régulière et éclairée.

 

De l'extérieur à l'intérieur : Repensez à votre ancrage extérieur. Pouvez-vous trouver, voir et ressentir l'ancrage intérieur correspondant ? Si oui, vibrez avec lui, là, maintenant ! Il pourra désormais être toujours présent avec vous, prêt à répondre à tout appel à l'aide de votre part.

 

Je ne peux ici évoquer de façon exhaustive tous les ancrages, mais je suis persuadé qu'il y a une correspondance extérieure/intérieure possible à chaque fois ; il ne peut en être autrement. Et même si votre ancrage extérieur est atypique, le fait qu'il existe pour vous implique obligatoirement qu'il existe un ancrage intérieur en miroir, et que vous êtes capable de le trouver. (Par exemple, quelqu'un qui vibre avec la lumière extérieure, la lumière du jour, arrivera d'une façon ou d'une autre à faire un lien avec la lumière de sa conscience, sa lumière intérieure.) Et à partir du moment où vous aurez trouvé et pratiqué au moins un ancrage intérieur, vous ne vous perdrez plus jamais ! Vous finirez même au bout d'un moment par oublier cette boîte à outils la plus simple et la plus naturelle qui soit, parce que vous les aurez totalement intégrés. Ils seront devenus « comme une seconde nature » ! Grâce à ces ancrages immuables et pérennes, vous vous serez établi.e à un niveau plus profond de votre être, à partir duquel les inévitables perturbations de la vie quotidienne ne vous apparaîtront plus que comme des ondulations à la surface de l'être...

 

Mais vous ne connaissez pas encore le meilleur !

Bouclons la boucle :

 

Lorsque vous retournerez ensuite dans la nature, fort de votre nouvel équilibre, votre rapport avec elle sera également transformé. Vous aurez l'impression d'un sentiment d'UNITÉ plus grand avec elle, l'impression d'être moins séparé de la vie qu'elle porte - et par conséquent aussi, moins séparé de la Source de Vie ! Vous vous sentirez davantage à l'écoute de la nature et de son essentialité, tous vos corps vibreront plus et mieux avec elle et ses énergies, et vous saurez en goûter et admirer bien plus qu'auparavant toute la beauté, la force et l'émerveillement. C'est le dernier merveilleux cadeau que vous aura offert ce voyage à la recherche de votre nature véritable !

 

C'est pour moi là un sens possible de cette fameuse énigmatique citation zen :

 

« Lorsque vous ne pratiquez pas le zen, les rivières sont des rivières et les montagnes sont des montagnes. [la nature n'est qu'un banal objet] Lorsque vous pratiquez le zen, les rivières ne sont plus des rivières et les montagnes ne sont plus des montagnes. [la nature devient un miroir de soi] Lorsque vous réalisez le zen, les rivières redeviennent des rivières et les montagnes redeviennent des montagnes. [la nature retrouve sa nature vivante] »

 

Jérôme Lemonnier

 

 

Publication originelle :

Présences Magazine n°27 - Juillet/Août 2021

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