16-crispation


Crispation ! Tel est pour moi le signal d'alerte fondamental, qui me montre que je me suis écarté de moi, que je ne suis pas ou plus établi en mon centre de gravité intérieure, à l'équilibre, stable et serein.

J'ai laissé quelque chose m'attirer "en dehors de moi", me faisant oublier ma présence spirituelle fondamentale.

Quand ce signal est repéré en soi, le plus dur est fait ! Même si le retour à l'équilibre n'est ensuite pas immédiat, demandant un certain travail sur soi, du temps pour prendre conscience de l'origine de la crispation intérieure et pour la résoudre, c'est vraiment la reconnaissance de la crispation qui est l'étape la plus difficile.

Car qui veut être crispé ? Qui veut se sentir et rester tendu, sous tension ? Qui aime être stressé ? Personne. Pourtant, il est manifeste en regardant autour de nous (c'est plus facile à voir qu'en nous) que nous ne vivons pas dans la sérénité et l'harmonie. Les violences de toutes sortes s'expriment au grand jour dans l'actualité, dans la vie quotidienne, sur les réseaux sociaux... Que ce soit physiquement ou en paroles, donc ne parlons même pas des pensées ! Tout ceci témoigne de terribles crispations inconscientes, qui se déchargent alors extérieurement sur les autres, boucs émissaires de nos propres manques et parts d'ombre.

« Les gens ne voient pas leur côté obscur et tendent à externaliser le mal. Chacun se voit toujours comme bon et voit les autres comme faibles ou mauvais. Se confronter à sa part d'ombre pose toujours problème. » (Stanley Kubrick)

Quelqu'un de fondamentalement serein, stable, quelqu'un de quiet (j'aime ce vieux mot caractérisant la tranquillité d'âme du sage, la paix de l'esprit) a appris, sait, que l'imputation à l'autre ou à quoi que ce soit d'extérieur de son in-quiétude est toujours un piège, trop facile, qui le décharge de sa responsabilité personnelle quant à son propre état intérieur. Or seule la responsabilité personnelle fonde la liberté spirituelle.

Il est donc fondamental, pour évoluer spirituellement, d'apprendre avant tout à voir cette crispation en soi, à en prendre conscience. Or, du fait de notre perte de sensibilité, notre désensibilisation à cet égard, conséquence du fait d'avoir privilégié la culture de l'intellect à celle du ressenti spirituel (l'intuition), cette prise de conscience ne peut se faire de nos jours que dans une forme ou une autre de souffrance. Souffrance qui est alors à la fois l'expression de la contraction, sa manifestation, et ce qui peut la révéler à nos propres yeux.

Ce signal intérieur doit alors, pour soi, spirituellement, primer sur toute tentative de justification intellectuelle cherchant à valider notre souffrance en en rejetant la responsabilité sur autrui !

Si je ressens une crispation, quelle qu'en soit la cause extérieure, c'est le signal que je me fourvoie intérieurement, même si la cause de cette crispation m'apparaît justifiable.

Pendant quelques mois, je me suis énervé, et même rendu malade, à cause de ceux qui jetaient leurs mégots par la fenêtre de leur voiture. C'était devenu une obsession ! Et vous savez quoi ? Plus ça m'énervait, plus j'avais l'impression de les attirer ! Dès que je prenais la route, je me retrouvais derrière un conducteur qui fumait... et jetait son mégot par la fenêtre devant moi ! (Belle illustration de la Loi d'attraction du genre semblable, n'est-ce pas ?) Est-ce que c'est bien de jeter son mégot en ville et à la campagne ? Non. Mais je m'en rendais vraiment malade, ça m'obsédait, même des heures après ; je n'arrêtais pas de fulminer contre ce comportement !

Surtout, je détestais le fait de me voir devenir violent à cause de cela, violent vis-à-vis des "fumeurs pollueurs" et violent vis-à-vis de moi-même, dans la souffrance intérieure que cela me générait. Il y avait manifestement à l’œuvre en moi quelque chose de plus profond que la simple protection de l'environnement. Cela semblait résonner avec une forme de colère qui me prenait de temps en temps quand je ne me sentais pas respecté, ou quand je me sentais accusé injustement. Le jeter de mégot ne semblait donc être qu'un prétexte pour réactiver ou redéclencher cette "mémoire" en moi (karma), afin de la résoudre.

Quoi qu'il en soit, cette cause ne pouvait justifier ou légitimer une telle hargne et agressivité de ma part, qu'elle soit exprimée verbalement ou contenue en pensées. J'avais un travail à faire !

Lorsque je me retrouve dans ce genre de situation, un malaise intérieur déclenché par autrui, pour y voir plus clair, je juge mon prochain et je pratique un retournement :

"IL pollue" => "JE pollue"

Eh oui ! Je pollue alors par mes pensées et paroles... donc je pollue aussi ! Alors que le jeteur de mégot pollue la nature, mais se pollue aussi lui-même, pollue son corps en premier lieu (ce qui est tristement ironique, puisqu'il considère alors la propreté de sa voiture plus importante que celle de son propre corps), moi, quand je vois et réagis à cela, je pollue le monde plus subtil des formes-pensées, mais je me pollue aussi moi-même, je pollue et alourdis mon âme... ce qui est tristement ironique, puisque je considère alors la propreté de la nature plus importante que celle de mon âme ! Je pollue spirituellement, alors que le jeteur de mégot pollue matériellement !

Mais qu'est-ce qui est le plus important ? Vouloir avoir raison ou être en paix ? Se rendre esclave d'une cause ou rester libre de chaînes ? Une cause, aussi noble et louable puisse-t-elle paraître, peut-elle justifier que j'y perde mon âme, que je vende mon âme au diable pour elle ? Car c'est bien ce qui se passe alors d'un point de vue spirituel, lorsque je perds mon assise intérieure, donc ma connexion à la Lumière, et que je me laisse aller à, puis emporter par des courants denses d'exaltation fébrile.

"L'enfer est pavé de bonnes intentions", comme le dit le proverbe. Il signifie bien que le fond de la cause est moins important que la forme que je lui donne. Considérer le contraire, c'est estimer que la fin justifie les moyens : peu importe la façon dont je m'y prends, l'important c'est le résultat ! C'est là un principe luciférien, pas une Loi divine ! Et c'est justement pour cela que cette façon de voir porte dès le début le germe de la faillite en elle et ne peut donner que des fruits pourris ; contaminée et empoisonnée par l'ego, la forme corrompra le fond, le moyen corrompra la fin et, même en présence de pseudo-résultats, ceux-ci auront tant été acquis par la contrainte ou le conflit qu'ils ne seront pas pérennes et ne pourront au contraire que faire perdurer la souffrance ou la division.

Un autre dicton de la sagesse populaire dit que l'on juge l'arbre à ses fruits. Or qu'est-ce qui donne les meilleurs fruits ? La stimulation de la colère de revendications activistes, dans la lutte CONTRE un ennemi déclaré, le plus souvent auto-fantasmé, ou bien une pondération en tout, cherchant toujours à favoriser l'union et la paix, à promouvoir des valeurs constructives, en accord alors avec les Lois divines qui ne poussent toujours tout qu'en avant et vers le haut, POUR une Évolution harmonieuse ?

Bref, POUR ou CONTRE, il faut choisir ! Mais pas ici un pour ou contre intellectuel, pour ou contre un camp donné, mais en premier lieu un "être pour" ou un "être contre" en soi, comme vibration générale dans une attitude intérieure, indépendamment du choix d'un camp extérieur donné. Mon état d'esprit est-il dans un Pour promoteur et léger, ou dans un Contre récriminateur et lourd ? De ce choix et vouloir intime résultera auto-activement la qualité de légèreté et clarté, ou à l'inverse de pesanteur et densité, de mes enveloppes subtiles, qui détermine à la mort la direction prise par l'âme lors du dépôt du corps physique terrestre... Ce n'est donc pas du tout anodin pour l'évolution spirituelle.

L'important réside donc toujours dans la nature de ce que je nourris en moi, plus que dans la nature de ce que je fais ou pas, car de la qualité spirituelle de ce que je nourris intimement dépend à la fois ma propre évolution future et la qualité de ma contribution au monde. Le comment est en tout plus important que le quoi. L'humain, en soi et en l'autre, est plus important que tous les objets du monde. Et pour vivre pleinement cela, la reconnaissance et la dissolution de la crispation ou contraction en soi constitue un puissant pouvoir !

 

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P.S. : Mais alors, comment me suis-je sorti de mes obsessions tabacophobes ? En fait, je ne m'en souviens même plus ! Ça m'est passé, ça m'a lâché... Il me reste toujours un peu d'agacement en surface, mais je ne m'énerve plus en profondeur. L'essentiel du travail sur soi réside donc bien dans la reconnaissance initiale, suivie par le vouloir ou la prière authentique de retrouver la paix intérieure, et alors la solution et résolution arrivera, adaptée à chaque personne et situation.

 

P.P.S. : J'ai parlé de crispation ou contraction, j'aurais aussi pu parler de résistance et de négativité. C'est la même chose. Car comme le dit Eckhart Tolle : « Toute résistance intérieure est expérimentée comme de la négativité sous une forme ou une autre. Toute négativité est résistance. À chaque fois que vous notez qu'une forme de négativité est apparue en vous, voyez-la comme un signal serviable qui vous dit : "Réveille-toi. Sors de ta tête. Sois présent." » (Eckhart Tolle, Le Pouvoir du Moment Présent)